La magistrature est depuis quelque temps dans l’œil du cyclone. Une pression forte sur ce pouvoir indépendant qui accuse tant de lacunes, et qui n’assure pas les rôles qui lui sont dévolus en vue d’appliquer la loi et de lutter contre les différentes formes de dépassements et d’abus. Y a-t-il un malaise au sein de la magistrature ? Certainement oui.
Indépendant qu’il est, ce pouvoir n’arrive pas à se réguler avec de multiples instances et structures internes de suivi qui, souvent, se mettent en concurrence et se contredisent. Si notre pays en est arrivé là, c’est en grande partie à cause de la corruption et des dépassements en tous genres ayant dilapidé les deniers publics. Et ces dépassements sont restés en bonne partie otages des dossiers des juges d’instruction et des différentes instances judiciaires. Des affaires qui traînent depuis des années sans suivi, sans sentence, sans quoi que ce fût, si bien que les accusés en question se sentent innocentés. Notre machine judiciaire n’est pas arrivée à appliquer la loi et à imposer autant que possible la justice. Bon nombre de fautifs et de dossiers criards d’avant et d’après le 14-Janvier 2011 sont restés impunis, et c’est la plus grande aberration. Pression politique, mauvaise conduite de certains juges, procédures longues et bureaucratiques lourdes, peu de moyens logistiques disponibles à la portée des magistrats, nombre réduit de juges d’instruction par rapport aux dossiers en cours, les causes sont multiples pour expliquer pourquoi la justice tunisienne reste loin des attentes. Cela dit, une meilleure gouvernance des affaires internes des magistrats, une plus grande souplesse dans les procédures, et surtout une meilleure évaluation interne qui met fin aux mauvaises affectations et aux « injustices » qui touchent des magistrats honnêtes et compétents permettraient d’améliorer le rendement des magistrats. On ne peut attendre une relance économique et des réformes politiques profondes sans magistrature saine et puissante dans le respect des lois. C’est fondamental. Il y a beaucoup à dire sur le monde de la justice en Tunisie, mais essayons aussi de mettre nos juges devant leurs responsabilités historiques : ils doivent agir vite et bien pour redonner à l’Etat de droit sa signification auprès du simple citoyen qui ne croit plus, franchement, au principe de l’équité. Le gouvernement qui, théoriquement, n’a pas d’influence sur le fonctionnement des différents organes de la magistrature, a, en revanche, l’obligation de fournir des moyens et une protection pour « libérer » les juges de tous leurs maux. Pas d’interférence, oui, mais aussi le droit d’attirer l’attention sur les dysfonctionnements et sur l’obligation d’appliquer la loi avec fermeté et équité. C’est ce qu’on attend désespérément.